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LES AMIS

que ton cœur répand, et elles sont la riche rançon de tous tes torts[1]… » Surprenante analogie ! À Protée qui lui offre un cordial remords pour rançon de sa faute, Valentin répond : « Je suis payé. » William dit à son ami : « Tes larmes sont la riche rançon de tous tes torts. » C’est la même pensée répétée presque dans les mêmes termes.

La critique n’a pas remarqué jusqu’ici les intimes et minutieux rapports qui existent entre le drame réel où figura Shakespeare dans sa jeunesse et la comédie fictive que dans sa jeunesse il composa pour la scène. Ces rapports, que j’ai scrupuleusement révélés dans les notes placées à la fin de ce volume, ont d’autant plus d’importance que, jusqu’à présent, les commentateurs ont été de leur propre aveu parfaitement impuissants à découvrir les origines de la fable mise en œuvre par Shakespeare. Les archives de toutes les bibliothèques ont été fouillées ; tous les documents littéraires, antérieurs au dix-septième siècle, romans, chroniques, légendes, ont été compulsés. Inutiles efforts ! La source où l’auteur des Deux Gentilshommes de Vérone a puisé ses inspirations s’est dérobée, comme celle du Nil, aux explorations des plus érudits. Cependant une femme savante du siècle dernier a cru un instant être sur la voie : un jour qu’elle lisait la Diane de Montemayor, — ce fameux roman pastoral qui a servi de modèle à l’Astrée et que l’admiration de Cervantes a épargné dans l’auto-da-fé des livres de don Quichotte, — mistress Lenox fut frappée de certains traits de ressemblance entre l’histoire de Julia et l’épisode de la bergère Félismène[2]. Ainsi que Julia, Félismène reçoit, par l’intermédiaire de sa suivante, une lettre d’un beau sei-

  1. Sonnet xxxi.
  2. Voir cet épisode à l’Appendice.