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SONNETS ET POÈMES.

à
l’unique acquéreur de ces sonnets,

M. W. H.
puisse-t-il avoir tout le bonheur
et
cette éternité que lui promit notre poète immortel.
c’est le souhait
bien sincère de celui qui aventure
cette publication
.
T. T.

Tout le monde est d’accord sur ceci, que les deux T désignent l’éditeur Thomas Thorpe. Mais que signifient ces initiales W. H. ? quel est ce W. H. auquel notre poëte a promis l’éternité ? Sur ce point quatre hypothèses principales ont été mises en avant. Parlons d’abord des deux moins probables.

Le commentateur Farmer, prenant pour un argument une simple coïncidence d’initiales, a prétendu que ce W. H. était William Harte, le neveu du poëte ; d’autres critiques, se fondant sur un vers du xxxixe siècle sonnet qui prêtait à l’équivoque, ont prétendu que c’était un certain William Hews, parfaitement inconnu d’ailleurs. Mais ces deux opinions ne tiennent pas devant une lecture quelque peu attentive des sonnets. Shakespeare représente en effet l’homme auquel il les dédie comme un personnage puissant, riche, noble, dont il se dit le vassal et qu’il appelle son lord ; il le peint, en outre, comme un protecteur des arts que tous les poëtes de son temps se plaisaient à chanter. Or, comment admettre que ce protecteur des arts, célébré par tous les poëtes, soit resté complètement inconnu comme ce William Hews ? Comment supposer, d’un autre côté, que Shakespeare se soit déclaré le vassal, le serf, l’adorateur agenouillé de ce William Harte, le fils de sa sœur Jeanne, le même auquel il lègue cinq livres dans son testament ?