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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

pour votre triomphe de condenser toutes ces larmes en un philtre d’amour qui vous guérisse de votre froideur.

XXXVIII

» Mes mérites ont pu charmer une sainte nonne qui, bien que disciplinée et nourrie dans la grâce, s’est laissé prendre par les yeux dès qu’ils ont commencé à l’assaillir. Adieu alors tous les vœux et tout les engagements ! Ô tout-puissant amour ! pas de serment, pas de lien, pas d’espace en qui tu trouves un scrupule, un nœud ou une limite, car tu es tout, et tout ce qui n’est pas toi est à toi.

XXXIX

» Quand tu nous presses, que valent les leçons de l’expérience surannée ? Quand tu nous enflammes, comme ils résistent froidement ces obstacles de fortune, de respect filial, de loi, de famille, de réputation ! L’amour s’arme de paix contre la règle, contre la raison, contre l’honneur, et il adoucit, au milieu des angoisses qu’il cause, l’amertume de toutes les violences, de tous les coups, de toutes les alarmes !

XL

» Et voici que tous les cœurs qui dépendent de mon cœur, le sentant se briser, saignent douloureusement et vous conjurent, par de suppliants soupirs, de déserter la batterie que vous dirigez contre moi, et de prêter une oreille favorable à mes tendres projets, en accueillant avec confiance les vœux indissolubles qui vous offrent et vous engagent ma foi. »