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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

soustraite aux nobles galanteries de la cour, et dont les charmes incomparables faisaient radoter la jeunesse en fleur. Car elle était recherchée par des esprits du plus riche blason ; mais, après avoir gardé une froide distance, elle s’est retirée du monde pour passer sa vie dans l’éternel amour.

XXXV

» Mais, Ô ma bien-aimée, quel mérite y a-t-il à renoncer à ce qu’on n’a pas et à maîtriser ce qui ne résiste pas ? À murer un cœur qui n’a pas reçu d’impression et à supporter avec une patience enjouée des liens qui ne gênent pas ? Celle qui réussit ainsi à préserver son honneur, échappe par la fuite aux balafres du combat, et triomphe par son absence, et non par sa valeur.

XXXVI

» Oh ! pardonnez-moi, je ne me vante de rien qui ne soit vrai : le hasard qui m’a conduit en sa présence a mis sur-le-champ ses forces à bout, et maintenant elle voudrait s’envoler de la cage du cloître : un religieux amour a fermé les yeux de la religion ; elle avait voulu s’enfermer pour ne pas être tentée, et maintenant, pour tenter tout, elle voudrait la liberté.

XXXVII

» Quelle puissance vous avez, oh ! laissez-moi vous le dire ! Les cœurs brisés qui m’appartiennent ont vidé toutes leurs fontaines dans ma source, et moi je les verse toutes à même dans votre Océan. Comme je les domine et comme vous me dominez, je suis obligé