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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

XIV

» La virilité ne faisait que poindre à son menton ; le duvet du phénix commençait seulement à paraître, semblable à un velours non tondu sur sa peau incomparable, dont la nudité ressortait sous ce voile naissant et gagnait une nouvelle valeur à ce sacrifice, Et les affections les plus méticuleuses, hésitant, ne savaient au juste si sa beauté perdait ou gagnait au changement.

XV

» Ses qualités étaient aussi rares que sa beauté ; il avait une voix virginale, et en usait généreusement ; mais, si les hommes le provoquaient, c’était une tempête, comme on en voit souvent entre avril et mai, alors que les vents, quoique déchaînés, ont un souffle si doux. La tendresse supposée de son âge couvrait ainsi d’un voile menteur sa brusque franchise.

XVI

» Qu’il montait bien à cheval ! On disait souvent que sa monture empruntait sa fougue à l’écuyer. Fière de sa servitude, ennoblie par une telle domination, comme elle savait tourner, bondir, galoper, s’arrêter ! C’était une question controversée de savoir si le cheval tenait son élégance du cavalier, ou le cavalier son adresse de la docilité du coursier.

XVII

» Mais le verdict se prononçait vite en faveur du maître. Ses manières personnelles donnaient la vie et la