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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

en trempait les images soyeuses dans l’eau amère que sa douleur débordante avait condensée en larmes ; souvent elle lisait les inscriptions qu’il portait, et aussi souvent elle exhalait une douleur inarticulée dans des cris de toute mesure, tantôt perçants et tantôt sourds.

IV

Parfois, elle levait ses yeux en feu comme pour en foudroyer le ciel ; parfois, elle en faisait retomber les pauvres flammes sur le globe terrestre ; parfois, elle étendait la vue droit devant elle ; parfois, elle prêtait ses regards à tous les lieux à la fois sans les fixer nulle part, confondant l’imagination et la réalité dans son délire.

V

Ses cheveux, qui n’étaient ni flottants ni attachés en nattes régulières, accusaient une main insouciante de coquetterie. En effet, quelques mèches dénouées descendaient de son chapeau de paille, pendant le long de ses joues pâles et flétries : d’autres tenaient encore à leur réseau de fil, et, fidèles au lien, ne s’en échappaient pas, bien que négligemment tressées dans un mol abandon.

VI

Elle tira d’un panier mille brimborions d’ambre, de cristal et de jais incrusté, qu’elle jeta un à un dans la rivière en pleurs au bord de laquelle elle était assise. Elle mêlait avec usure ses larmes à ces larmes, comme le monarque dont la main prodigue les largesses, non à la misère, qui réclame peu, mais au luxe, qui mendie tout.