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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CLXXVI

La terre pleure quand le soleil est couché, et chaque fleur est mouillée comme un œil attendri : ainsi la suivante sent une grosse larme humecter sa paupière sous l’influence de ces beaux soleils qui se sont couchés dans le ciel de sa maîtresse et ont éteint leurs feux dans un amer Océan, et la voilà qui pleure comme une nuit de rosée.

CLXXVII

Un moment ces deux charmantes créatures demeurent comme deux fontaines d’ivoire remplissant des citernes de corail. L’une pleure avec raison, l’autre n’a d’autre motif que la sympathie pour verser des larmes. Ce doux sexe est souvent disposé à pleurer ; il s’afflige en imagination des souffrances d’autrui, et alors ses yeux se noient ou son cœur se brise.

CLXXVIII

Car les hommes ont un cœur de marbre, les femmes, un cœur de cire qui prend toutes les empreintes de ce marbre. Faibles opprimées, elles subissent l’impression étrangère par force, par fraude ou par adresse. Ne les traitez donc pas comme les auteurs de leurs fautes, pas plus que vous ne trouveriez mauvaise la cire sur laquelle serait frappée l’image d’un démon.

CLXXIX

Leur surface, unie comme une belle plaine, est accessible au moindre reptile qui s’y glisse. Chez les hommes, comme en d’épaisses broussailles, grouillent des vices