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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CXLI

« Donne-lui le temps d’arracher ses cheveux bouclés ; donne-lui le temps de tourner sa rage contre lui-même ; donne-lui le temps de désespérer du temps ; donne-lui le temps de vivre esclave conspué ; donne-lui le temps d’implorer le rebut d’un mendiant, le temps de voir un homme vivant d’aumône dédaigner de lui donner des miettes dédaignées !

CXLII

» Donne-lui le temps de voir ses amis devenir ses ennemis, et les joyeux fous se moquer de lui à l’envi ; donne-lui le temps de remarquer avec quelle lenteur marche le temps aux heures de douleur, avec quelle rapide brièveté aux heures de folie, aux heures de plaisir ; et que toujours son crime irrévocable ait le temps de pleurer un temps si mal employé !

CXLIII

» Ô temps, tuteur du bon comme du méchant, apprends-moi à maudire celui à qui tu as appris tant de perversité ! Que ce larron devienne fou devant son ombre ! que lui-même cherche à toute heure à se tuer lui-même ! Ces misérables mains doivent seules verser ce sang misérable. Car quel est l’homme assez vil pour vouloir être l’abject bourreau d’un si vil scélérat ?

CXLIV

» D’autant plus vil qu’il est fils de roi, et qu’il déshonore son avenir par des actes dégradants. Plus l’homme