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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CXVI

» Ne m’expose pas au jour indiscret ! Sa lumière montrera, inscrite sur mon front, l’histoire du naufrage de l’ineffable chasteté et de la violation impie du vœu sacré de l’hymen ; oui, l’illettré qui n’a jamais su déchiffrer un livre savant, lira mon ignominie dans mes regards.

CXVII

» La nourrice, pour faire taire son enfant, lui contera mon histoire, et effrayera le bambin en pleurs avec le nom de Tarquin. L’orateur, pour orner sa harangue, associera mon opprobre à la honte de Tarquin ; les ménestrels, admis au festin, chansonneront ma dégradation, et, attachant l’auditoire à chaque vers, diront comment je fus outragée par Tarquin, et Collatin par moi.

CXVIII

» Puisse ma bonne renommée, idéale réputation, rester sans tache pour l’amour de Collatin ! Si elle sert de thème au dénigrement, les branches d’une autre tige seront pourries, et une infamie imméritée s’attachera à un être qui est aussi pur de ma faute que j’étais pure naguère pour Collatin.

CXIX

» Ô honte inaperçue ! invisible disgrâce ! Ô blessure impalpable ! Mystérieuse balafre au plus noble front ! L’infamie est imprimée sur la face de Collatin, et l’œil de Tarquin peut y lire de loin cette inscription : Blessé dans la paix et non à la guerre. Hélas ! combien portent a leur