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LE VIOL DE LUCRÈCE.

temps ? Si avant ton avénement tu oses un tel outrage, que n’oseras-tu pas quand une fois tu seras roi ? Oh ! songes-y, l’outrage d’un acteur vassal ne peut être effacé ; les méfaits des rois ne peuvent donc pas être ensevelis dans la boue.

LXXXVIII

» Après une telle action, tu ne pourras plus être aimé que par crainte, tandis que les monarques heureux sont craints par amour. Il faudra que tu tolères les plus hideux criminels, quand ils te montreront leurs crimes en toi. Pour prévenir pareille chose, renonce à ton désir ; car les princes sont le miroir, l’école, le livre où s’instruisent, lisent et voient les yeux des sujets.

LXXXIX

» Veux-tu donc être l’école où s’instruira la débauche ? Faudra-t-il donc qu’elle lise en toi de telles leçons de vilenie ? Veux-tu être le miroir où elle trouvera une autorité pour le crime, un blanc-seing pour l’opprobre, et couvrir de ton nom le déshonneur ? Tu soutiens l’infamie contre l’immortelle gloire, et de ta belle réputation tu, fais une entremetteuse !

XC

» As-tu le commandement ? Au nom de celui qui te l’a donné, commande en noble cœur à ton désir rebelle ; ne tire pas ton glaive pour protéger l’iniquité, car il t’a été remis pour en exterminer l’engeance. Comment pourras-tu remplir ton royal office, alors qu’ayant ta faute pour précédent, le crime hideux pourra dire que, s’il a apris à faillir, c’est toi qui lui as montré le chemin ?