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LE VIOL DE LUCRÈCE.

XXXIII

» Oh ! quelle excuse mon imagination trouvera-t-elle, quand tu m’accuseras d’une action si noire ? Ma langue sera muette, mes membres frêles frémiront, mes yeux cesseront de voir, mon cœur fourbe de battre. Quand le forfait est grand, le remords le dépasse encore ; et l’extrême remords ne peut ni combattre ni fuir, mais il meurt comme un lâche dans un tremblement de terreur.

XXXIV

» Si Colletin avait tué mon fils ou mon père, ou dressé des embûches contre mon existence, au lieu d’être mon ami dévoué, ma passion aurait, pour s’attaquer à sa femme, l’excuse de la vengeance ou des représailles à exercer. Mais, comme il est mon parent et mon ami dévoué, mon crime sera sans excuse et ma honte sans fin.

XXXV

» C’est la honte… Oui, si le fait est connu… C’est un acte haïssable… Il n’y a rien de haïssable à aimer, je ne ferai qu’implorer son amour… Mais elle ne s’appartient pas… Le pire sera un refus, et des reproches ; ma volonté est ferme, inébranlable à un faible raisonnement. Quiconque a peur d’une sentence ou du dicton d’un vieillard se laissera effrayer par une fantasmagorie. »

XXXVI

C’est ainsi que le sacrilége se débat entre sa froide conscience et sa brûlante passion ; enfin il proscrit les bonnes pensées et encourage le triomphe de l’instinct grossier,