le soupçon revêche, qui apporte des nouvelles tantôt vraies, tantôt fausses, frappe à mon cœur et dit tout bas à mon oreille que, si je t’aime, je dois redouter ta mort.
CXI
» Bien plus, il offre à mon regard l’image d’un sanglier furieux tenant renversé sous ses crocs aigus un être semblable à toi, tout couvert de plaies, dont le sang répandu sur de fraîches fleurs les fait fléchir de douleur et incliner la tête.
CXII
» Que ferais-je, te voyant ainsi en réalité, moi qui frémis à cette imagination ? Cette seule pensée fait saigner mon cœur défaillant, et l’inquiétude lui communique la divination : je prédis ta mort, le désespoir de ma vie, si demain tu rencontres le sanglier.
CXIII
» Mais si tu veux absolument chasser, laisse-toi guider par moi ; courre le lièvre timoré et fuyard, ou le renard qui ne vit que de ruse, ou le chevreuil qui n’ose pas résister ; poursuis sur les dunes ces bêtes peureuses, et maintiens ton cheval fougeux à l’allure de ta meute.
CXIV
» Et, dès que tu auras débusqué le lièvre myope, remarque comme le pauvre animal, pour échapper à sa détresse, devance le vent, avec quel soin il multiplie les détours et