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INTRODUCTION.

peare glorifie la Renaissance, mais il ne jette pas la pierre au moyen âge. Il ne veut pas que sa race essentiellement septentrionale perde son originalité dans une imitation servile. Le travail de l’humanité pendant les siècles qui ont suivi le Christ lui paraît aussi sacré que le travail de l’humanité pendant les siècles qui l’ont précédé. Pourquoi immoler l’art gothique à l’art antique ? Pourquoi sacrifier la cathédrale d’York au Parthénon, Notre-Dame au Colysée, Dante à Homère ? Shakespeare ne repousse ni la tradition chrétienne, ni le tradition païenne : au contraire, il les réunit pieusement l’une et l’autre. Il ne détruit ni le moyen âge ni la Renaissance : il les résume.

Voyez son œuvre : ne semble-t-il pas que, par le choix même des sujets dont il a rempli son drame, Shakespeare ait voulu, avec l’impartialité du génie, faire une part égale aux deux époques ?

Aux traditions du moyen âge, aux annales scandinaves, écossaises ou saxonnes, a Holinshed, à Hall, à Chaucer, à Saxo-Grammaticus, etc., Shakespeare emprunte le motif de quatorze pièces : le Roi Jean, Richard II, Henry IV (première et deuxième partie), Henry V, Henry VI (première, deuxième et troisième partie), Richard III, Henry VIII, Comme il vous plaira, Macbeth, le Roi Lear, Hamlet.

Aux traditions de la Renaissance, aux chroniques, au théâtre, à l’histoire de la Grèce et de l’Italie antique, aux romans de l’Italie nouvelle, aux contes espagnols, à Homère qu’il lit dans la traduction de Chapman, à Plutarque qu’il étudie dans la traduction de North et dans les commentaires de Montaigne, à Plaute, à Lucien, à Boccace, à Cynthio, à Straparole, à Bandello, au Masaccio de Naples, à Luigi da Porto, à Lollius d’Urbino, à Belleforest, etc., il emprunte le cadre de dix-huit autres pièces : les Deux Gentilshommes de Vérone, les Joyeuses Épouses de