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VÉNUS ET ADONIS.

LXV

Elle lui répond ainsi : « Ton palefroi favorise, comme il le doit, l’ardente approche du doux désir. L’affection est une braise qu’il faut refroidir ; autrement, livrée à elle-même, elle met le cœur en feu. La mer a des bornes, mais le désir profond n’en a pas ; ne t’étonne donc pas si ton cheval est parti.

LXVI

» Il avait l’attitude d’une rosse quand il était attaché à l’arbre et servilement maîtrisé par des rênes de cuir. Mais dès qu’il a vu sa chère cavale, digne récompense de sa jeunesse, il a pris en dédain cette misérable servitude, rejeté l’infâme courroie de son col ployé, et dégagé sa bouche, sa croupe, son poitrail.

LXVII

» Qui donc, en voyant sa bien-aimée, nue sur son lit, révéler aux draps une couleur plus blanche que leur blancheur, a pu rassasier ainsi son regard dévorant, sans que ses autres sens aient réclamé d’égales délices ? Qui donc est assez pusillanime pour n’avoir pas la hardiesse de s’approcher du feu par une froide saison ?

LXVIII

» Laisse-moi donc excuser ton coursier, gentil enfant ; et apprends de lui, je t’en conjure instamment, à prendre avantage du bonheur qui s’offre. Je serais muette, que