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LA PATRIE.

noncé les nombreux abus commis par le clergé catholique. Pour ces crimes, il avait été condamné par un synode d’évêques au supplice des hérétiques. C’était en 1415. Vainement le prince de Galles, devenu roi, avait supplié son ancien ami d’abjurer ses erreurs ; sir John, tout en protestant de son dévouement au roi, avait refusé d’abdiquer sa foi. Abandonné dès lors au bras séculier, le chevalier avait été enfermé à la Tour ; mais, grâce à une mystérieuse connivence, il s’était évadé, la veille même du jour fixé pour l’exécution. De Londres il avait gagné les montagnes du pays de Galles où il s’était caché pendant trois ans, fuyant de caverne en caverne le terrible décret qui mettait sa tête à prix. Enfin, à la fin de l’année 1417, le roi Henry V étant en France, il avait été repris et jugé à nouveau par une commission de pairs qui avait confirmé la sentence des évêques. C’est en vertu de ce jugement que sir John Oldcastle, baron de Cobham, était brûlé vif au mois de janvier 1418.

Lord Cobham était le premier seigneur condamné en Angleterre pour cause de religion. Si épouvantable qu’il fût, ce supplice ne désarma pas la pieuse animosité du clergé catholique. L’Église avait brûlé ce preux ; ce n’était pas assez ; elle prétendit le déshonorer. Les cendres du martyr étaient à peine refroidies qu’elle s’acharna sur sa mémoire. Le baron, qui avait sacrifié sa vie à sa foi, fut dénoncé du haut de la chaire comme un bandit. La farce religieuse vint en aide à la rancune dévote. Ce héros de la plus effroyable tragédie fut transformé par une série de fables en un bateleur de comédie. L’apôtre du bien, défiguré par une imposture séculaire, n’apparut plus à la foule que comme un adepte du vice, un suppôt de coupe-gorge, un brigand, et c’est ainsi que nous le présente une pièce anonyme représentée vers 1580 sous ce titre : Les fameuses victoires du roi Henry cinquième.