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INTRODUCTION.

sorties, de retraites, de tranchées, de tentes, de palissades, de fortins, de parapets, de basilics, de canons, de coulevrines, de prisonniers rachetés et de soldats tués, et de tous les incidents d’un combat à outrance. » Ainsi, pas de trêve pour lui, même dans le repos. Il a jusque dans son lit les sueurs de l’héroïsme. Le combat reste son idée fixe : réalité le jour il devient vision la nuit. — Hotspur ne voit dans le danger qu’un défi à sa vaillance. Tout obstacle l’offense comme un affront personnel. Chaque péril est pour lui un insolent auquel il faut demander raison. Il jetterait le gant même à l’Impossible. « Par le ciel, il serait tenté de s’élancer jusqu’à la face pâle de la lune pour en arracher l’honneur éclatant ou de plonger dans les abîmes de l’Océan pour en retirer par les cheveux l’honneur englouti. » Cet honneur qu’Hotspur irait chercher jusque dans des profondeurs inaccessibles, c’est l’honneur militaire. Pour Hotspur, il n’est pas d’autre honneur que celui-là. Henry Percy est le paladin barbare, le preux sauvage, le chevalier fauve. Ne lui parlez pas des délicatesses de la chevalerie. Il est prêt, comme Don Quichotte, à assaillir les moulins à vent, mais il ne romprait pas une lance pour redresser un tort. Combattre pour lui n’est point un moyen, c’est le but. Peu lui importent au fond les titres de Mortimer à la royauté. Le pennon du prétendant légitimiste n’est pour ce chouan primitif qu’un étendard de combat. Cette Angleterre, qu’il prétend délivrer d’un usurpateur, n’est pour lui en réalité qu’un champ de conquête. Il ne considère sa propre patrie que comme une proie bonne à dépecer. Après l’assaut, le pillage ! Combattre afin de détruire, voilà son mot d’ordre. La guerre est et doit être sa fin. Le champ de bataille est l’Éden auquel il est voué. Son âme toute belliqueuse semble prédestinée à quelque implacable Odin. Le paradis auquel elle aspire, c’est