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INTRODUCTION.

De la défensive la royauté de droit divin a passé à l’offensive. — La révolution veut maintenir au pouvoir son élu, Henry de Lancastre, fils de Jean de Gand, troisième fils d’Édouard III. Le droit divin veut y porter son prétendant, Edmond Mortimer, fils de Lionel, second fils du même Édouard III. De là un conflit que Shakespeare a pris pour thème de son épopée dramatique.

Pour combattre la dynastie nationale, la monarchie légitime rallié sous son étendard toutes les forces du passé. Elle appelle à la rescousse l’immémoriale barbarie qui l’a sacrée. C’est dans les ténèbres qu’elle va chercher du secours. Pour son œuvre de réaction, elle fait un pacte avec la nuit. Dans la coalition qui porte Mortimer au trône, se sont groupés tous les éléments sauvages de l’humanité primitive, — la superstition, la ruse, l’astuce, la violence brutale, la témérité aveugle.

Regardez successivement tous ces personnages que le poëte a réunis autour du prétendant. Voici Worcester, l’homme de la perfidie qui croit assurer son salut par un mensonge et qui se perd par ce mensonge même. Voici son frère Northumberland, l’homme de la ruse qui ne s’occupe que d’éluder le danger et qui le rend inévitable par ses précautions mêmes. Voici le Gallois Owen Glendower, l’homme du mystère qu’entoure une superstitieuse terreur, Glendower, ce « damné magicien » qui fait fuir ses ennemis par des exorcismes et « qui peut appeler les démons du fond de l’abîme. » Voici l’Écossais Douglas, l’homme d’instinct animal qui ne fait qu’un avec son coursier, le centaure casqué « qui escalade au galop une côte perpendiculaire, » guerrier farouche qu’un rien effarouche, Ares du Nord toujours prêt au combat, toujours prêt à la retraite. Enfin voici le chef, voici Hotspur.

Brusque, emporté, hautain, franc jusqu’à l’insolence,