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EXTRAIT DE LA CHRONIQUE DE FROISSART.

mener leurs marchandises passiblement, et les laboureurs de leurs terres labourer, et on leur faisait tout au contraire. Premièrement, quand les marchands des villes allaient de l’une à l’autre faire leurs marchandises, s’ils portaient or ou argent, on leur ôtait de leurs bourses, et n’en avaient autre chose. Aux laboureurs, on prenait en leurs maisons blés, avoines, bœufs, vaches, porcs, moutons et brebis : et n’en osaient les bonnes gens mot sonner et commencèrent ces méfaits grandement à multiplier, et tant que les regrets et lamentations en furent par toute l’Angleterre, où ces méfaits se faisaient.

Les citoyens de Londres (qui sont riches, et qui plus vivent des marchandises qui courent par terre et par mer, et ont appris à tenir grand état sur ce, et par lesquels tout le royaume d’Angleterre s’ordonne et gouverne) considérèrent cette affaire, et virent bien que trop grand méchef était apparent de venir soudainement en Angleterre, si on n’y pourvoyait, si disaient l’un à l’autre secrètement :

— Nos pères et ancesseurs de bonne mémoire pourvurent jadis aux grands méchefs, lesquels étaient apparents en Angleterre, et onc ne furent si grands, comme ils apparaissent pour le présent, car qui laissera faire les volontés à ce méchant roi Richard de Bordeaux, il gâtera tout, ni oncques, depuis qu’il fut roi, bien ni prospérité n’advinrent au royaume d’Angleterre, ainsi comme ils faisaient paravant… Et bientôt, si on n’y pourvoit, tout ira mal, et la pourvoyance est qu’on mande le comte d’Erby (qui perd son temps en France), et, lui venu par deçà, on lui baille par bonne ordonnance le régime du royaume d’Angleterre, par quoi il se réforme en bon État : et soient punis et corrigés ceux qui l’ont desservi, et Richard de Bordeaux pris et mis