Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
491
NOTES.

même que ses approvisionnements étaient complets et qu’il était muni de toutes les choses nécessaires à l’expédition royale qu’il prétendait faire en Terre Sainte, il fut saisi d’une maladie grave qui n’était pas la lèpre, dit maître Hall (comme l’imaginaient ces stupides moines), mais une véritable apoplexie. Durant cette maladie dernière (racontent plusieurs écrivains), il fit mettre sa couronne sur un oreiller à son chevet, et soudain ses angoisses l’accablèrent si cruellement qu’il resta gisant comme si tous les esprits vitaux l’avaient quitté. Ceux qui étaient près de lui, croyant vraiment qu’il était trépassé, couvrirent sa face d’un drap blanc. Le prince son fils, étant averti de cela, entra dans la chambre, prit la couronne et sortit. Le père étant soudainement revenu de cet évanouissement, reconnut vite que sa couronne n’était plus là ; et, ayant appris que le prince son fils l’avait emportée, il le fit venir en sa présence pour lui demander ce que signifiait cette mauvaise action. Le prince répondit avec une bonne audace :

— Seigneur, selon mon jugement et selon le jugement de tous, vous sembliez mort au monde ; conséquemraent, étant votre plus proche héritier présomptif, j’ai pris la couronne comme mienne, et non comme vôtre.

— Ah ! beau fils, dit le roi avec un grand soupir, quel droit j’y avais, le ciel le sait !

— Ah ! dit le prince, puisque vous mourez roi, j’aurai le diadème, et je prétends le garder avec l’épée contre tous mes ennemis, comme vous l’avez fait.

— Eh bien, dit le roi, je m’en remets à Dieu. Souvenez-vous de bien agir.

« Et sur ce, il se retourna dans son lit et bientôt après trépassa à Dieu, dans une chambre de l’abbaye de Westminster appelée Jérusalem. Nous trouvons qu’il fut pris de sa dernière maladie, tandis qu’il faisait ses prières à la chasse de saint Édouard, afin d’obtenir pour ainsi dire son congé avant d’entreprendre son voyage. Il fut si soudainement et si gravement saisi que ceux qui l’entouraient craignaient qu’il ne mourût sur-le-champ. Aussi, pour le ranimer, s’il était possible, ils le portèrent dans une chambre voisine qui appartenait à l’abbé de Westminster. Là, on le mit sur un grabat et on employa tous les remèdes pour le faire revivre. À la fin il reprit sa voix et ses sens ; et se trouvant dans un appartement étranger qu’il ne connaissait pas, il voulut savoir si la chambre avait un nom particulier ; à quoi on lui répondit qu’elle s’appelait Jérusalem. Alors le roi dit :