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RICHARD II ET HENRY IV.

(5) Toute cette scène est fondée sur le récit du chroniqueur Holinshed. J’extrais de cette narration la pittoresque description des préparatifs du combat judiciaire, si brusquement interrompu par la sentence arbitraire du roi Richard ;

« Le duc d’Aumerle, agissant en ce jour comme connétable d’Angleterre, et le duc de Surrey, comme maréchal, tous deux armés de toutes pièces, entrèrent les premiers dans la lice avec une grande compagnie d’hommes habillés d’une étoffe de soie, brodée d’argent richement et à merveille, chaque homme ayant un bâton ferré pour maintenir le champ en ordre. Vers l’heure de prime arriva aux barrières de la lice le duc de Hereford, monté sur un coursier blanc, bardé de velours vert et bleu brodé somptueusement de cygnes et d’antilopes, armé de pied en cap de travail d’orfèvrerie.

» Le connétable et le maréchal vinrent aux barrières, lui demandant qui il était. Il répondit : « Je suis Henry de Lancastre, duc de Hereford, qui suis venu ici pour faire mon devoir contre Thomas Mowbray, duc de Norfolk, comme traître, infidèle à Dieu, au roi, à son royaume et à moi. » Alors, incontinent, il jura par les saints évangélistes que sa querelle était légitime et juste, et sur ce point il demanda à entrer dans la lice. Puis il rengaina son épée, qu’auparavant il tenait nue dans sa main, et, abaissant sa visière, fit le signe de la croix sur son cheval, et, la lance à la main, entra dans la lice, et descendit de son cheval, et s’assit sur une chaise de velours vert à un bout de la lice, et là se reposa, attendant la venue de son adversaire.

» Bientôt après entra dans la plaine avec grand triomphe le roi Richard, accompagné de tous les pairs du royaume, et en sa compagnie était le comte de Saint-Pol, qui était venu de France en toute hâte pour voir exécuter ce cartel. Le roi avait plus de dix mille hommes armés, dans la crainte que quelque bagarre ou tumulte ne s’élevât entre ses nobles par suite de querelles ou de factions. Quand le roi fut assis sur son siége, lequel était richement tendu et orné, un roi d’armes fit une proclamation publique, défendant à tous, au nom du roi et du grand connétable et du grand maréchal, d’essayer ou de tenter de toucher aucune partie de la lice, sous peine de mort, ceux-là exceptés qui étaient chargés de maintenir l’ordre. La proclamation terminée, un autre héraut cria : « Regardez céans Henry de Lancastre, duc de Hereford, appelant, qui est entré dans la lice royale pour faire son devoir contre Thomas Mowbray, duc de Norfolk, défendant, sous peine d’être reconnu félon et mécréant. »

» Le duc de Norfolk attendait à l’entrée de la lice, son cheval étant