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SCÈNE XV.

les trois princes.

— Nous n’espérons pas moins de Votre Majesté.

le roi.

— Vous me regardez tous étrangement.

Au grand juge.

Et vous surtout. — Vous êtes, je crois, convaincu que je ne vous aime pas.

le grand juge.

— Je suis convaincu, si justice m’est rendue, — que Votre Majesté n’a aucun motif légitime de me haïr.

le roi.

Non ? — Comment un prince, appelé à de si hautes destinées, oublierait-il — les hautes indignités que vous m’avez fait subir ? — Quoi ! réprimander, censurer, et envoyer brusquement en prison — l’héritier présomptif de l’Angleterre ! Était-ce tout simple ? — Cela peut-il être lavé dans le Léthé, et oublié ?

le grand juge.

— Je remplaçais alors la personne de votre père ; l’image de son pouvoir résidait en moi. — Alors que, dans l’administration de sa justice, — j’étais chargé de l’intérêt public, — il a plu à Votre Altesse d’oublier ma dignité, — la majesté de la loi, l’empire de la justice, — l’image du roi que je représentais, — et vous m’avez frappé sur mon siége même de juge. — Devant cette offense commise envers votre père, — j’ai fait hardiment usage de mon autorité, — et je vous ai mis aux arrêts. Si l’acte était blâmable, — résignez-vous, maintenant que vous portez le diadème, — à voir un fils mettre vos décrets à néant, — arracher la justice de votre auguste tribunal, donner le croc-en-jambe à la loi, et émousser le glaive — qui garde la paix et la sûreté de votre personne, que dis-je ! conspuer votre royale image, — et bafouer vos actes dans un second vous-même. — Interrogez votre