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SCÈNE XIII.

humphrey.

— Non, mon bon seigneur ; il est ici en présence du roi.

clarence, s’avançant.

— Que me veut mon seigneur et père ?

le roi.

— Il ne te veut que du bien, Thomas de Clarence. — Comment se fait-il que tu ne sois pas avec le prince ton frère ? — Il t’aime et tu le négliges, Thomas. — Tu as dans son affection une plus large place — que tous tes frères : conserve-la bien, mon enfant ; — et tu pourras, après ma mort, — remplir le noble office de médiateur — entre sa majesté et tes autres frères. — Ainsi, ne le délaisse pas ; n’émousse pas son amour ; — et ne va pas perdre l’avantage de ses bonnes grâces, — par une froideur ou une insouciance apparente. — Car il est bienveillant à qui le cultive ; — il a des larmes pour la pitié, et la main — généreuse, comme la lumière, dans l’effusion de la charité. — Et cependant, une fois irrité, il est de pierre ; — aussi sombre que l’hiver, aussi brusque — que les bourrasques déchaînées par une journée printanière. — Il faut donc bien observer sa nature ; — gronde-le pour ses fautes, mais respectueusement, — quand tu t’apercevras qu’il est disposé à l’enjouement ; — mais, s’il est de mauvaise humeur, donne-lui carrière — jusqu’à ce que ses passions, comme une baleine à terre, — se soient consumées en efforts. Retiens cela, Thomas, — et tu seras une égide pour tes amis ; — tu seras le cercle d’or rattachant tes frères ; — si bien que le vase, où leur sang se confond, — sera inattaquable au poison des suggestions — que l’âge y versera forcément, — quand ce poison serait aussi violent — que l’aconit, aussi impétueux que la poudre !