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HENRY IV.

conduit ses troupes à la mort, — et s’est jeté les yeux fermés dans l’abîme.

hastings.

— Mais permettez, il n’y a jamais de mal — à calculer les probabilités et les motifs d’espoir,

lord bardolphe.

— Il peut y en avoir, si les ressources immédiates de la guerre, — les forces nécessaires à la marche de l’entreprise, — n’existent qu’en espérance, comme ces boutons que nous voyons — apparaître au commencement du printemps. L’espoir de les voir porter fruit — offre moins de certitude que la crainte — de les voir mordus par la gelée. Quand nous voulons bâtir, — nous étudions d’abord le terrain, puis nous traçons le plan ; — et quand nous voyons le dessin de l’édifice, — alors nous calculons les frais de construction : — si nous trouvons qu’ils dépassent nos moyens, — que faisons-nous ? Nous retraçons notre plan — sur des proportions moindres ou, enfin, nous renonçons — à bâtir. À plus forte raison, dans cette grande entreprise, — où il s’agit presque d’abattre une royauté — et d’en relever une autre, devons-nous étudier — l’état du terrain, faire le plan, — choisir des fondations sûres, — consulter les experts, examiner nos propres ressources, — pour savoir si une pareille œuvre est, oui ou non, — au-dessus de nos moyens. Autrement, — nos forces n’existent que sur le papier et en chiffres, — et, au lieu d’hommes, nous n’alignons que des noms d’hommes : — pareils à quelqu’un qui tracerait un plan de maison — trop dispendieux pour lui, et qui, après l’avoir exécuté à demi, — y renoncerait, laissant sa coûteuse ébauche, — exposée nue aux larmes des nuages, — en proie à la brutale tyrannie de l’hiver.