Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
RICHARD II.

que je sois, — ni pour moi, ni pour aucun homme de cette humanité, — il ne saurait y avoir de satisfaction avant ce soulagement suprême, — l’anéantissement.

On entend une musique.

Qu’entends-je ? de la musique !… — Ah ! ah ! observez la mesure… Comme la plus douce musique est aigre, — quand les temps sont manqués et les accords non observés ! — Il en est de même dans l’harmonie des existences humaines. — Ici j’ai l’ouïe assez délicate — pour reprendre une note fausse dans une corde dérangée. — Mais, dans le concert de mon pouvoir et de mon temps, — je n’ai pas eu l’ouïe assez fine pour discerner les temps manqués ! — J’ai abusé du temps, et à présent le temps abuse de moi ; — car à présent le temps fait de moi son horloge. — Mes pensées sont des minutes, dont chaque seconde est marquée par un soupir — à ce cadran extérieur de mes yeux, — auquel est fixé, comme la pointe de l’aiguille, — mon doigt qui sans cesse en essuie les larmes. — Le son qui indique l’heure, c’est — le bruyant sanglot qui est le battant — du timbre de mon cœur. Ainsi les soupirs, les larmes et les sanglots — marquent les secondes, les minutes et les heures… Mais le temps — vole pour Bolingbroke en joie superbe, — tandis que je fais ici pour lui le stupide office d’un ressort d’horloge. — Cette musique m’exaspère : qu’elle cesse ! — Quoique parfois elle ramène le fou à la raison, — elle aurait sur moi l’effet de rendre fou le raisonnable. — N’importe ! béni soit le noble cœur qui me donne ce concert ! — C’est une preuve d’affection ; et l’affection pour Richard — est un étrange joyau en ce monde de haine.


Entre un Groom.
le groom.

— Salut, royal prince !