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INTRODUCTION.

de défense, de fondre des balles, d’affiler leurs épées ? Non. Leur dernière journée, ils la consacrent au théâtre. C’est au théâtre qu’ils viennent demander le conseil définitif, l’inspiration souveraine. Puisque dans le monde réel tout leur prêche la soumission, la lâcheté, la servilité aveugle et abjecte, c’est au monde fictif de leur enseigner les mémorables leçons de la résistance. — Et tout à coup, le rideau qui leur cachait l’histoire s’entr’ouvre, et voici, ô miracle ! que, devant ces enfants du dix-septième siècle, se dressent et s’animent leurs redoutables aïeux, les hommes du quatorzième siècle. Entendez-vous ces paladins vêtus de fer qui, brandissant leurs grandes épées, jettent sur la côte de Ravenspurg le cri de la révolte ? Pairs d’Angleterre, voilà vos prédécesseurs ! Ceux-là étaient des preux ; ils n’hésitaient pas à se lever contre la tyrannie. Quand le roi d’Angleterre, qui n’était que le premier des barons, voulait asservir les barons, quand ce prince, qui n’était que suzerain, prétendait être souverain, les seigneurs se concertaient, ils convoquaient le ban et l’arrière-ban de leurs vassaux, et ils couraient aux armes ; aux milices seigneuriales les communes joignaient leurs milices ; et alors l’insurrection éclatait ; et le roi, abandonné des siens même, était déposé, et un banni était installé d’office sur le trône du tyran. Entendez-vous ces acclamations qui retentissent aux abords de Westminster ? C’est Henry IV qu’on couronne ! Distinguez-vous ces gémissements étouffés derrière l’épaisse muraille du donjon de Pomfret ? C’est Richard II qu’on poignarde. Ainsi faisaient vos aïeux, milords !

La révolution de 1399, — cette insurrection heureuse de l’opprimé contre l’oppresseur, — était un formidable précédent offert par l’histoire aux conjurés de 1601. Mais cet enseignement empruntait aux circonstances une