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RICHARD II.

pas un ! — Dieu sauve le roi !… Est-ce que personne ne dit : Amen ? — Suis-je à la fois le prêtre et le clerc ? Eh bien soit ! Amen ! — Dieu sauve le roi ! quoique je ne sois plus le roi ! — Et amen encore, quand le ciel voudrait que je le fusse toujours ! — Pour quel emploi m’envoie-t-on chercher ?

york.

— Pour accomplir, de ton plein gré, — ce qu’une majesté fatiguée t’a fait offrir, — la cession de ta dignité et de ta couronne — à Henry Bolingbroke.

richard.

— Donnez-moi la couronne… Là, cousin, prends la couronne : — je la tiens de ce côté, tiens-la de l’autre. — Maintenant cette couronne d’or est comme un puits profond — auquel sont attachés deux seaux, remplis l’un après l’autre : l’un, vide, s’agitant sans cesse en l’air, — l’autre, en bas, disparu et plein d’eau. — Le seau d’en bas, plein de larmes, c’est moi, — abreuvé de douleurs ; le seau qui monte, c’est vous.

bolingbroke.

— Je croyais que vous abdiquiez de votre plein gré.

richard.

— Ma couronne, oui ; mais mes chagrins me restent. — Vous pouvez me destituer de ma gloire et de ma puissance, — mais non de mes chagrins : je suis toujours roi de ceux-là.

bolingbroke.

— Vous me transmettez une partie de vos soucis avec votre couronne.

richard.

— Vos soucis, en s’augmentant, ne m’enlèvent pas mes soucis. — Ce qui fait mon souci, c’est la perte de mes vieux soucis ; — ce qui fait votre souci, c’est le gain de nouveaux soucis. — Je garde les soucis mêmes que je cède : — ils suivent la couronne, et pourtant ils me restent.