Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
INTRODUCTION.

Richard II, déjà ancien et tombé dans une sorte de désuétude, attirerait probablement peu de monde[1], et le théâtre perdrait à le reprendre. » La difficulté, ainsi réduite à une question d’argent, devenait facile à résoudre. Sir Gilly Merrick s’empressa d’offrir au comédien une indemnité qui, payée en sus de la recette, suffisait à couvrir le déficit éventuel. Cette prime fut fixée d’un commun accord à quarante schellings, et le marché fut conclu.

Deux jours après que ces pourparlers avaient eu lieu, dans l’après-midi du samedi 7 février, un public inaccoutumé pénétrait dans l’enceinte hexagone du théâtre du Globe. Un drapeau rouge, hissé au sommet de la tourelle supérieure de l’édifice et parfaitement visible de la rive gauche de la Tamise, annonçait que la représentation allait commencer. Les trois étages latéraux dans lesquels étaient pratiquées les loges et les galeries, la cour centrale, sans toit, faisant office de parterre, les fauteuils, disposés sur la scène, se garnissaient de spectateurs qui, chose étrange, se reconnaissaient tous. Ce n’était plus la foule habituelle du théâtre, amas confus et populaire d’individus étrangers les uns aux autres. C’était une assemblée choisie et aristocratique dont les membres, familiers les uns aux autres, se rejoignaient en se saluant. Tous arrivaient là comme à un rendez-vous. On ne sait quel accord tacite les réunissait. Un observateur attentif eût peut-être découvert sous la sérénité apparente de ces physionomies diverses la même préoccupation sombre. — Une idée fixe, peut-être un secret terrible, les rembrunissait. À coup sur les mêmes antipathies, sinon les mêmes sympathies, animaient cette élite compacte. Tous ceux que le despotisme monarchique

  1. « That play of King Richard was so old and so long out of use that they should have small or no company at it. »