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NOTES.

gea d’avoir en ce faisant sauvé et fortifié un très-grief et inexpugnable ennemi de leur conspiration : et la seconde fut qu’il accorda qu’on fit les funérailles de César en la sorte qu’Antonius voulut : ce qui fut la cause de perdre et gâter tout.

« Car premièrement quand on eut lu en public le testament par lequel il était porté qu’il léguait et donnait à chaque citoyen romain soixante-et-quinze drachmes d’argent pour tête et qu’il laissait au peuple ses jardins et vergers qu’il avait deçà la rivière du Tibre, au lieu où maintenant est bâti le temple de la Fortune, le peuple l’en aima et regretta merveilleusement : puis quand le corps fut apporté sur la place, Antonius qui fit la harangue à la louange du défunt, selon l’ancienne coutume de Rome, voyant que la commune s’émouvait à compassion par son dire, tourna son éloquence à l’inciter encore davantage à commisération, et prenant la robe de César toute ensanglantée, la déploya devant toute l’assistance, montrant les découpures d’icelle et le grand nombre de coups qu’il avait reçus. De quoi le peuple se mutina et s’irrita si fort qu’il n’y eut plus d’ordre en la commune, parce que les uns criaient qu’il fallait faire mourir les meurtriers qui l’avaient occis, les autres allaient arracher les étaux, les tables, selles et bancs de boutiques d’alentour de la place, comme on avait fait es funérailles de Claudius, et ayant fait un monceau, mirent le feu dedans, et sur icelui posèrent le corps qu’ils brûlèrent au milieu de plusieurs lieux sacrés, inviolables et sanctifiés, et aussitôt que le feu fut embrasé, les uns deçà, les autres delà, en prirent des tisons ardents, avec lesquels ils s’en coururent ès maisons de ceux qui l’avaient tué, pour les y brûler : toutefois eux qui s’étaient bien auparavant munis et pourvus, se sauvèrent aisément de ce danger. » — Vie de Marcus Brutus.

(41) « Mais il y eut un poëte nommé Cinna, lequel n’avait aucunement été participant de la conjuration, ains avait toujours été ami de César, et la nuit de devant avait songé que César le conviait à souper avec lui et que l’ayant refusé, il l’en avait pressé à grande instance, jusque à le forcer, tant