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SCÈNE I.

des fois — vous avez grimpé aux murailles, aux créneaux, — aux tours, aux fenêtres et jusqu’aux faîtes des cheminées, — vos enfants dans vos bras, et, ainsi juchés, — vous avez attendu patiemment toute une longue journée, — pour voir le grand Pompée traverser les rues de Rome ! — Et dès que seulement vous voyiez apparaître son chariot, — vous poussiez d’une voix unanime une telle acclamation, — que le Tibre tremblait au fond de son lit — à entendre l’écho de vos cris — répété par les cavernes de ses rives ! et aujourd’hui vous vous couvrez de vos plus beaux habits ! — Et aujourd’hui vous vous mettez en fête ! — Et aujourd’hui vous jetez des fleurs sur le passage de celui — qui marche triomphant dans le sang de Pompée ! — Allez-vous-en. — Courez à vos maisons ! tombez à genoux ! — Priez les dieux de suspendre le fléau — qui doit s’abattre sur une telle ingratitude.

flavius.

— Allez, allez, mes bons compatriotes ; et, en expiation de votre faute, — assemblez tous les pauvres gens de votre sorte, — menez-les au bord du Tibre, et gonflez ses eaux — de vos larmes, jusqu’à ce que le plus infime de ses flots — vienne baiser la plus haute de ses rives.

Les citoyens sortent.

— Voyez comme leur grossier métal s’est laissé toucher. — Ils s’évanouissent, la langue enchaînée dans le remords. — Allez par là au Capitole : — moi, j’irai par ici. Dépouillez les statues, — si vous les voyez parées d’ornements sacrés.

marullus.

Le pouvons-nous ? — Vous savez que c’est la fête des Lupercales.

flavius.

— N’importe ; ne laissez sur aucune statue — les trophées de César. Je vais en chemin — chasser la foule des rues ; — faites-en autant là où vous la verrez s’amasser. —