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SCÈNE XIII.

a endurci. Pourquoi haïrais-tu les hommes ? — Ils ne t’ont jamais flatté. Que leur as-tu donné ? — Si tu veux maudire, que ce soit ton père, — ce pauvre déguenillé qui, dans une boutade, s’est adjoint — à quelque mendiante et t’a créé — pauvre diable de naissance. Arrière ! va-t’en ! — Si tu n’étais né le pire des hommes, — tu aurais été un intrigant et un flatteur.

apemantus.

— Es-tu donc toujours fier ?

timon.

Je le suis de n’être pas toi.

apemantus.

— Et moi, de n’avoir pas été un prodigue.

timon.

Et moi, d’en être un encore. — Quand tout mon avoir serait contenu en toi, — je te permettrais de t’aller pendre. Va-t’en. — Que toute la vie d’Athènes n’est-elle dans ceci ! — Voici comme je la dévorerais.

Il mange une racine.
apemantus, lui offrant quelque aliment.

Tiens ; je veux améliorer ton repas.

timon.

— Commence par améliorer ma société, en t’éloignant.

apemantus.

— C’est la mienne que j’améliorerai, en me privant de la tienne.

timon.

— Au lieu de l’améliorer par là, tu l’empireras ; — s’il n’en était pas ainsi, je le regretterais.

apemantus.

— Quel message as-tu pour Athènes ?

timon.

— Qu’un tourbillon t’y emporte ! Si tu veux, — dis-leur que j’ai de l’or ; tiens, j’en ai.