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SCÈNE XIII.

de vœux frivoles : des racines, cieux sereins ! — Ce peu d’or suffirait à rendre blanc, le noir ; beau, le laid ; — juste, l’injuste ; noble, l’infâme ; jeune, le vieux ; vaillant, le lâche. — Ah ! dieux, à quoi bon ceci ? Qu’est-ce ceci, dieux ? Eh bien, — ceci écartera de votre droite vos prêtres et vos serviteurs ; ceci arrachera l’oreiller du chevet des malades (19). Ce jaune agent — tramera et rompra les vœux, bénira le maudit, — fera adorer la lèpre livide, placera les voleurs, — en leur accordant titre, hommage et louange, — sur le banc des sénateurs ; c’est ceci — qui décide la veuve éplorée à se remarier. — Celle qu’un hôpital d’ulcérés hideux — vomirait avec dégoût, ceci l’embaume, la parfume, — et lui fait un nouvel avril… Allons poussière maudite, — prostituée à tout le genre humain, qui mets la discorde — dans la foule des nations, je veux te rendre — ta place dans la nature.

Bruit lointain d’une marche militaire.

Ha ! un tambour !… Si vivace que tu sois, — je vais t’enterrer… Voleuse endurcie, tu iras — dans un lieu inaccessible à tes goutteux receleurs… — Pourtant laisse-moi des arrhes.

Il prend une poignée d’or et enfouit le reste.


Alcibiade entre au son du tambour et des fifres, dans un appareil militaire ; Phryné et Timandra l’accompagnent.
alcibiade.

Qui es-tu ? Parle.

timon.

— Un animal comme toi. Qu’un cancer te ronge le cœur, — pour me faire voir encore le visage de l’homme !

alcibiade.

— Quel est ton nom ? Peux-tu haïr autant l’homme, — étant toi-même un homme ?