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TIMON D'ATHÈNES.

premier seigneur.

Vous voyez, monseigneur, combien vous êtes aimé.


Musique. Rentre Cupidon, suivi d’une mascarade de dames, vêtues en amazones, qui dansent en jouant du luth.
apemantus.

— Hé ! quelle irruption de frivolités ! — elles dansent ! ce sont des femmes folles ! — la gloire de cette vie n’est qu’une folie, — de même que toute cette pompe, comparée à un peu d’huile et de racines. — Nous nous faisons insensés, pour nous récréer ; — nous prodiguons la flatterie pour qu’un homme nous donne à boire ; — et ce qu’il nous donne nous le lui rendons sur ses vieux jours — en mépris et en acrimonie venimeuse. — Quel être vit, qui ne corrompe ou ne soit corrompu ? — Quel être meurt, qui n’emporte à sa tombe une rebuffade — de ses amis ? — Je craindrais que ceux qui dansent en ce moment devant moi, — ne me missent un jour sous leurs pieds. Cela s’est vu. — Les hommes ferment leur porte au soleil couchant.


Les convives se lèvent de table, en prenant devant Timon une attitude d’adoration. Pour lui complaire, chacun d’eux choisit une amazone. Tous, distribués par couples, dansent un pas ou deux, au son du hautbois, puis s’arrêtent.
timon.

— Combien vous avez orné nos plaisirs, belles dames ! — En prêtant vos grâces à notre fête, — vous en avez doublé la beauté et l’agrément ; — en l’exécutant avec tant de talent et d’éclat, — vous m’avez enchanté de ma propre idée. — J’ai à vous remercier.

première dame.

Monseigneur, vous nous traitez avec une excessive indulgence.

apemantus.

Dans l’état de corruption excessive où vous êtes, je