Soit ! je resterai à tes risques et périls, Timon ; je viens pour observer, je t’en avertis.
Je ne fais pas attention à toi. Tu es Athénien, donc le bienvenu. Moi-même je ne veux avoir ici aucune autorité ; je t’en prie, que mon dîner au moins te ferme la bouche.
— Je fais fi de ton dîner : il m’étoufferait puisque — je ne voudrais pas te flatter… Ô dieux ! que de gens — dévorent Timon, et il ne les voit pas ! — Je souffre de voir tant d’êtres acharnés — à la curée d’un seul homme ; et, pour comble de folie, — c’est lui qui les y anime. — Je m’étonne que les hommes osent se fier aux hommes ; — à mon avis, les invités ne devraient pas avoir de couteaux ; — ce serait une économie pour la table et un surcroît de sécurité pour les existences. — Il y a maint exemple de cela : le camarade qui, — ainsi placé près de son hôte, rompt le pain avec lui, et lui fait raison — en avalant son reste, — sera le premier à le tuer ; la chose est prouvée. — Moi, si j’étais un gros personnage, je craindrais de boire à table, — de peur de laisser voir le défaut de mon sifflet. — Les grands ne devraient boire que munis d’un gorgerin.
— Monseigneur, bien volontiers ; et que cette santé aille à la ronde.
— Faites-la couler par ici, mon bon seigneur !
— Couler par ici ! — Voilà un gaillard qui sait diriger le courant. — Timon, ces santés-là te donneront mauvaise mine à toi et à ta fortune. — Voici une boisson trop faible pour ne pas être innocente, — eau honnête qui n’a jamais laissé un homme dans la fange ! — Ce breuvage est simple