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TIMON D'ATHÈNES.

le marchand, au joaillier.

— Oh ! c’est un digne seigneur.

le joaillier.

Oui, cela est bien certain.

le marchand.

— Un homme incomparable, tenu, pour ainsi dire, en haleine — par une infatigable et continuelle bonté ; — un homme hors ligne.

le joaillier.

J’ai ici un bijou.

le marchand.

— Oh ! de grâce, faites-le voir… C’est pour le seigneur Timon, monsieur ?

le joaillier.

— S’il veut en donner le prix. Mais pour ça…

le poète, déclamant.

Quand pour un salaire nous vantons le mal,
Cela ternit la gloire des plus heureux vers,
Consacrés justement à célébrer le bien…

le marchand, examinant le bijou.

Il est d’une bonne forme.

le joaillier.

Et riche : voyez quelle eau !

le peintre, au poète.

— Vous êtes absorbé, monsieur, par quelque ouvrage, quelque dédicace — à notre grand patron.

le poète.

Une chose échappée à ma rêverie ! — Notre poésie est comme la gomme qui dégoutte — du tronc nourricier. L’étincelle ne jaillit — du caillou que quand on le frappe ; mais notre noble flamme — naît d’elle-même et déborde comme le torrent, — emportant chaque obstacle… Qu’avez-vous-là ?