Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
MESURE POUR MESURE.

mort, — mais ton inflexibilité prolongera son agonie — par une lente torture. Réponds-moi demain, — ou, par la passion qui désormais me guide souverainement, — je serai pour lui un tyran !… Quant à vous, — dites ce que vous voudrez, mes faussetés prévaudront sur vos vérités.

Il sort.
isabelle.

— À qui me plaindre ? Si je racontais ceci, — qui me croirait ? Ô bouches redoutables — qui portent sur les mêmes lèvres — ou la condamnation ou l’acquittement, — qui forcent la loi à s’incliner devant leur caprice, qui — accrochent le juste et l’injuste à leur appétit — comme une servile amorce ! Je vais trouver mon frère ; — bien qu’il ait failli par l’instigation des sens, — il n’en a pas moins l’âme pleine d’honneur. — Eût-il vingt têtes à poser — sur vingt billots sanglants, il les livrerait toutes, — plutôt que de laisser sa sœur soumettre sa personne — à une si horrible pollution. — Donc, vis chaste, Isabelle, et toi, frère, meurs !… — Notre chasteté est plus que notre frère. — Je vais lui dire la proposition d’Angelo, — et préparer sa pensée à la mort, pour le repos de son âme.

Elle sort (6).

SCÈNE IX.
[Un cachot.]
Entrent le Duc, Claudio et le Prévôt.
le duc.

— Ainsi, vous espérez votre pardon du seigneur Angelo ?

claudio.

— Les misérables n’ont d’autre cordial — que l’espoir. — J’ai l’espoir de vivre et suis préparé à mourir.

le duc.

— Soyez résigné à la mort ; et la mort et la vie — vous en seront plus douces. Raisonnez ainsi avec la vie : — Si je