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SCÈNE VI.

angelo.

Jeune fille, pas de remède.

isabelle.

— Si fait ; je pense que vous pourriez lui pardonner, — sans que votre merci affligeât le ciel ni les hommes.

angelo.

— Je ne le veux pas.

isabelle.

Mais le pourriez-vous, si vous vouliez ?

angelo.

— Sachez-le : ce que je ne veux pas, je ne le puis pas.

isabelle.

— Mais ne pourriez-vous le faire, sans faire tort au monde, — si votre cœur ressentait pour lui la même pitié — que le mien ?

angelo.

Il est jugé ; c’est trop tard.

lucio, bas, à Isabelle.

— Vous êtes trop froide.

isabelle.

— Trop tard ! Mais non ! Moi, si je dis une parole, — je puis la rétracter. Croyez-le bien, — aucun des insignes réservés aux grands, — ni la couronne du roi, ni le glaive du lieutenant, — ni le bâton du maréchal, ni la robe du juge, — ne leur ajoute autant de prestige — que la clémence. S’il avait été à votre place, et vous à la sienne, — vous auriez failli comme lui, mais lui, — il n’eût pas été inflexible comme vous.

angelo.

Retirez-vous, je vous prie.

isabelle.

— Plût au ciel que j’eusse votre puissance — et que vous fussiez Isabelle ! En serait-il ainsi alors ? — Non : je montrerais ce que c’est qu’être juge — et qu’être prisonnier.