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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE.
pas ; — il connaissait beaucoup feu mon père. Je ne dormirai pas, Hortensio, que je ne l’aie vue. — Excusez donc la liberté que je prends — de vous quitter si tôt à cette première entrevue, — à moins que vous ne vouliez m’accompagner chez elle. —
GRUMIO, à Hortensio.

Je vous en prie, monsieur, laissez-le aller tant que ce caprice lui durera. Sur ma parole, si elle le connaissait aussi bien que je le connais, elle jugerait bien vite inutile de s’emporter contre lui. Elle peut l’appeler dix fois chenapan ou n’importe quoi, cela lui est bien égal ; si une fois il s’y met, il lui ripostera en argot de bagne. Voulez-vous que je vous dise, monsieur ? Pour peu qu’elle lui résiste, il lui laissera sa marque sur la figure, et la défigurera si bien qu’elle n’aura pas les yeux plus grands qu’un chat ébloui. Vous ne le connaissez pas, monsieur.

HORTENSIO.

— Attends, Petruchio, je vais avec toi, il le faut. — Baptista tient sous sa garde mon trésor ; — il a en son pouvoir le joyau de ma vie, — sa fille cadette, la belle Bianca. — Il la soustrait à mes poursuites et à celles — des autres galants, mes rivaux en amour. — Supposant, chose impossible — à cause des défauts dont je t’ai parlé, — que Catharina peut être demandée, — Baptista a pris cette résolution — que nul n’aurait accès auprès de Bianca, avant que Catharina la hargneuse ait trouvé un mari. —

GRUMIO.

Catharina la hargneuse ! Le pire de tous les surnoms pour une jeune fille !

HORTENSIO.

— Maintenant c’est à mon ami Petruchio à me rendre un service ; — il me présentera, déguisé sous un costume grave, — au vieux Baptista comme un habile professeur