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SCÈNE II.
niale, fût-elle aussi laide que l’amoureuse de Florent (8), — aussi vieille que la sibylle, aussi bourrue et aussi acariâtre que la Xantippe de Socrate, ou pire encore, — fût-elle aussi rude que la mer Adriatique en fureur, — elle n’altèrera pas, elle n’émoussera pas — en moi le tranchant de la passion ! — Je viens à Padoue faire un riche mariage ; — s’il est riche, il est heureux. —
GRUMIO.

Voyez-vous, monsieur, il vous dit tout bonnement ce qu’il pense. Donnez-lui de l’or suffisamment, et mariez-le à une poupée, à une figurine ou à une vieille stryge édentée, ayant autant d’infirmités que cinquante-deux chevaux ! Tout est bien, s’il y a apport d’argent.

HORTENSIO.

— Petruchio, puisque nous nous sommes tant avancés, — j’insisterai sur l’idée que j’ai émise par plaisanterie. — Je puis, Petruchio, te procurer une femme — riche à foison, et jeune, et belle, — élevée comme il convient à une fille de qualité. — Son seul défaut, et il est assez grand, — c’est qu’elle est intolérablement bourrue, — acariâtre et entêtée, à un point si démesuré — que, ma fortune fût-elle bien inférieure à ce qu’elle est, — je ne voudrais pas l’épouser pour une mine d’or.

PETRUCHIO.

— Silence, Hortensio, tu ne connais pas la vertu de l’or. — Dis-moi le nom de son père, et c’est assez ; — je prétends l’aborder, dût-elle gronder aussi haut — que le tonnerre quand crèvent les nuages d’automne.

HORTENSIO.

— Son père est Baptista Minola, — gentilhomme affable et courtois. — Elle se nomme Catharina Minola, — fameuse dans Padoue par sa langue querelleuse.

PETRUCHIO.

— Je connais son père, bien que je ne la connaisse