Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
LA SAUVAGE APPRIVOISÉE
ordres ; — mais je veux lui recommander d’abord de retenir sa langue.
Ils échangent leurs habits.
TRANIO.

— Cela est fort nécessaire. — Bref, puisque c’est là votre bon plaisir, monsieur, — et que je suis tenu de vous obéir — (car votre père me l’a recommandé à notre départ : — Rends tous les services à mon fils, m’a-t-il dit, — bien qu’il l’entendît, je crois, dans un sens différent), — je consens à être Lucentio, — pour l’amour de Lucentio.

LUCENTIO.

— Sois-le, Tranio, pour l’amour qu’éprouve Lucentio : — quant à moi, je veux me faire esclave pour obtenir cette jeune vierge — dont la vue soudaine a enchaîné mon regard blessé.

Entre Biondello.

— Voici le drôle !… Coquin, où avez-vous été ?

BIONDELLO.

— Où j’ai été ? Mais vous-même, où êtes-vous ? — Maître, mon camarade Tranio vous a-t-il volé vos habits ? — ou lui avez-vous volé les siens ? ou vous êtes-vous volés l’un l’autre ? Dites-moi, que s’est-il passé ?

LUCENTIO.

— Approchez, drôle ; ce n’est pas le moment de plaisanter ; — sachez donc conformer vos manières aux circonstances. — Votre camarade Tranio, ici présent, pour me sauver la vie, — prend mes habits et ma place, — et moi, pour m’évader, je prends les siens. — Car, depuis que je suis venu à terre, dans une querelle, — j’ai tué un homme et je crains d’avoir été aperçu. — Servez-le, je vous le commande, comme il sied, — tandis que je vais m’éloigner d’ici pour sauver ma vie : — vous me comprenez ?