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SCÈNE I.
jusqu’au jour où, ayant procuré un mari à la fille aînée de Baptista, nous aurons rendu à la cadette la liberté de se marier ; et aussitôt rentrons en lutte !… Cette chère Bianca !… Alors, au plus heureux le succès ! Au coureur le plus agile la bague ! Qu’en dites-vous, Gremio ?
GREMIO.

Nous sommes d’accord. Que volontiers je lui céderais le meilleur étalon de Padoue pour lui faire la cour, la séduire, l’épouser, la mener au lit et débarrasser d’elle la maison ! Allons !

Gremio et Hortensio sortent.
Tranio et Lucentio reviennent sur le devant de la scène.
TRANIO.

— De grâce, dites-moi, monsieur, est-il possible — que l’amour prenne brusquement un tel empire ?

LUCENTIO.

— Ô Tranio, avant d’en avoir fait moi-même l’expérience, — je n’aurais jamais cru cela possible ni même probable. — Mais vois ! tandis que j’étais là à regarder nonchalamment, — j’ai dans ma nonchalance subi l’influence de l’amour, — et maintenant, je te l’avoue en toute franchise, — à toi, mon confident, qui m’es aussi cher — que l’était Anna à la reine de Carthage, — Tranio, je brûle, je languis, je dépéris, Tranio, si je n’obtiens pas cette modeste jeune fille. — Conseille-moi, Tranio, car je sais que tu le peux ; — assiste-moi, Tranio, car je sais que tu le veux.

TRANIO.

— Maître, il n’est plus temps de vous gronder ; ce n’est pas par les reproches qu’une affection est bannie du cœur ; — si l’amour vous a atteint, vous n’avez plus qu’une ressource : redime te captum quam queas minimo.