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EXTRAIT DU DÉCAMÉRON DE BOCCACE.

Quand elle eut appris la maison et le nom de la Dame, et de la fille aimée du Comte, elle s’y en alla un jour en habit de pèlerine, et les trouvant assez pauvres en leur ménage, elle les salua, et dît à la mère que, quand il lui plairait, elle parlerait volontiers à elle. La gentille femme s’étant levée lui dit qu’elle était toute prête de l’écouter.

Étant entrées toutes seules en une chambre et assises, la Comtesse commença à dire :

— Madame, il me semble que vous êtes des ennemies de fortune aussi bien que moi ; mais si vous voulez, vous pourrez consoler et vous et moi.

La dame répondit qu’elle ne désirait chose en ce monde tant que se consoler honnêtement.

La Comtesse suivit son propos, lui disant :

— J’ai besoin de votre foi, en laquelle si je me remets et que vous me trompiez, vous gâteriez votre fait et le mien.

— Dites-moi, dit la gentille femme, assurément ce qu’il vous plaira ; car vous ne vous trouverez jamais trompée de moi.

Alors ayant la Comtesse commencé dès le premier jour qu’elle devint amoureuse, lui conta qui elle était et ce qui lui était advenu jusques à ce jour-là, de telle sorte que la gentille femme croyant ce qu’elle disait comme celle qui déjà en avait ouï dire quelque chose à d’autres qu’à elle, commença à en avoir compassion, et, après que la comtesse lui eût raconté tout son fait, elle continua son propos, en disant :

— Or vous avez oui entre mes autres fâcheries quelles sont les deux choses qu’il me convient avoir, si je veux recouvrer mon mari ; lesquelles je ne connais autre personne qui me les puisse faire avoir, sinon vous, s’il est vrai ce que j’entends, c’est à savoir que le Comte mon mari aime votre fille.

À qui la gentille femme dit :

— Si le Comte aime ma fille, je n’en sais rien, toute-