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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE, ETC.

Strange ont pu obtenir une copie du Tamerlan de Marlowe, qui était la propriété des comédiens du lord amiral. — Passons outre.

La seconde raison pour laquelle Une Sauvage apprivoisée ne peut pas être attribuée à Shakespeare, toujours au dire de ces messieurs, est une raison de style. Le commentateur Steevens a découvert dans la vielle comédie quatre mots qui ne sont employés dans aucune pièce de Shakespeare, Sardonyx (Sardoine), Hyacinth (Hyacinthe), radiations (rayons), eye-trained (à l’œil exercé) ; et ces quatre mots sont, selon Steevens, autant de preuves nouvelles que la vieille comédie n’est pas l’œuvre du poëte. Cet argument est si puéril qu’il y aurait puérilité à le réfuter. S’il était admis en principe qu’une pièce de Shakespeare, pour être authentique, ne doit pas contenir un seul mot qui n’ait été employé dans ses autres pièces, toutes les œuvres du poëte, sans aucune exception, devraient être déclarées apocryphes. Par exemple, le mot composé tempest-tossed (secoué de la tempête) ne se trouvant que dans Macbeth, Macbeth serait apocryphe ! Le mot spirit-stirring (excitant le courage) ne se rencontrant que dans Othello, Othello serait apocryphe ! Le mot grey-coated (habillé de gris) n’étant que dans Roméo et Juliette, Roméo et Juliette serait apocryphe ! Le mot implorator (qui implore) ne se présentant que dans Hamlet, Hamlet serait apocryphe ! Pauvre Steevens !

La troisième et dernière raison mise en avant dans cette controverse par la critique anglaise est un fait d’histoire littéraire, consigné dans les registres tenus par le chef de troupe Henslowe, pendant les dernières années du seizième siècle. Dans le courant de l’année 1594, pendant qu’on construisait le théâtre du Globe, la troupe du lord Chambellan (la troupe même à laquelle appartenait Shakespeare) demanda asile à la troupe du lord amiral, et les deux troupes combinées donnèrent ensemble une série de représentations qui attirèrent la foule au théâtre de Newington. Le comédien Henslowe, qui prit part à ces représentations, a laissé une liste, devenue très-curieuse, des pièces jouées alors. À la date du mois de juin, on y lit ceci :

  • 9 juin 1594, Hamlet.
  • 11 juin 1594, The taming of a Shrew (Une Sauvage apprivoisée.)
  • 12 juin 1594, The Jew of Malta (le Juif de Malte de Marlowe).

Voilà certes une présomption bien puissante à l’appui de l’opinion que je soutiens. Par une circonstance extraordinaire, la troupe du lord chambellan est amenée à joindre son répertoire au répertoire de la troupe du lord amiral. Que fait-elle ? elle joue deux pièces aux-