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LES COMÉDIES DE L’AMOUR.

fant, toute nouvelle venue, répond naïvement qu’elle en serait heureuse, « si son père lui laissait choisir qui elle aime. » — « Ma foi, vous semblez honnête, réplique Son Altesse, je demanderai pour vous le consentement de votre père. » Quelque temps après, arrive sir Mathieu Arundel. Dès qu’elle aperçoit le vieux seigneur, la reine lui annonce que sa fille a grande envie de se marier, et l’invite à donner son autorisation, si le parti est convenable. Sir Mathieu, courtisan avant d’être père, répond qu’il veut tout ce que voudra la reine. « Eh bien ! laissez-moi faire, » s’écrie Sa Majesté ; et aussitôt elle annonce à la jeune lady qu’elle a obtenu la permission paternelle. — « Je vais donc être heureuse, exclame l’amoureuse ravie, s’il plaît à Votre Grâce. » — « Tu le seras, rétorque Sa Majesté avec un accent de fureur concentrée, mais non en faisant la folie de te marier. Ton père m’a cédé son consentement et je jure que je ne te l’accorderai pas. Va à tes affaires. Tu es bien effrontée de m’avoir avoué si promptement ta sottise. » — Un autre jour, Sa Majesté va faire visite au lord archevêque Parker qui venait de prendre femme. Lady Parker accourt offrir à la reine un cadeau splendide : « Je ne peux pas vous appeler Madame, répond superbement Sa Majesté, et j’ai honte de vous appeler Mistress ; je ne sais pas comment vous appeler, mais je vous remercie. » — Quelque temps après, la reine apprend que le lord évêque Still vient d’épouser la fille de sir John Horner. — Horner[1] ! s’écrie Son Altesse, qui aime beaucoup les jeux de mots, c’est un nom de mauvais augure pour une entrée en ménage.

Voilà les anecdotes dont s’entretenait toute la cour. Passe encore si ce beau zèle de la reine en faveur du cé-

  1. Horner, littéralement cornard.