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PEINES D'AMOUR PERDUES.

LA PRINCESSE.

— Non. Plutôt mourir que de remuer un pied ! — Nous ne rendrons même pas grâce à leur discours le mieux calligraphié, — et, tandis qu’ils nous parleront, nous leur tournerons toutes le dos.

BOYET.

— Ah ! ce dédain percera le cœur des orateurs, — et du coup leur mémoire divorcera avec leur rôle.

LA PRINCESSE.

— C’est justement ce que je veux : je suis bien sûre — qu’une fois dérouté, chacun d’eux en oubliera son reste. — Quelle fête d’écraser les rieurs sous les rires — et de nous approprier leur joie en gardant la nôtre ! — ainsi nous triompherons, en bafouant nos prétendus railleurs, — et eux, bien bafoués, ils se sauveront avec leur confusion.

On entend le son des trompettes.
BOYET.

— La trompette sonne ; masquez-vous ! Voici les masques.

Entrent le Roi, Biron, Longueville, et Du Maine, en costumes russes, et masqués ; puis Phalène, des musiciens et des gens de service.
PHALÈNE, saluant la princesse et ses femmes.

Salut aux plus splendides beautés de la terre !

BIRON, à part.

Splendides comme peuvent l’être des masques, de taffetas.

PHALÈNE.

Groupe sacré des plus jolies dames
Qui aient jamais tourné… le dos à des mortels !

Toutes lui tournent le dos.
BIRON, le reprenant.

Les yeux, coquin ! les yeux !