Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
198
TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN.

HÉLÈNE.

Oui. Vous avez un vernis de soldat. Laissez-moi vous faire une question. L’homme est l’ennemi de la virginité : comment pourrions-nous la barricader contre lui ?

PAROLES.

Tenez-le à distance.

HÉLÈNE.

Oui, mais il revient à l’assaut ; et, toute vaillante qu’elle est dans la défense, notre virginité est faible. Révélez-nous donc quelque puissant moyen de résistance.

PAROLES.

Il n’y en a pas ; l’homme, une fois établi devant vous, fera jouer la mine et vous fera sauter.

HÉLÈNE.

Le ciel préserve notre virginité des mines et des explosions ! N’y a-t-il pas quelque stratagème militaire grâce auquel les vierges puissent faire sauter les hommes ?

PAROLES.

La virginité une fois à bas, l’homme n’en sera que plus vite en l’air ; mais, morbleu, quand il retombera à son tour par la brèche que vous aurez ouverte vous-même, vous aurez perdu votre cité. Dans la république de la nature, c’est chose impolitique de préserver la virginité. La perte de la virginité fait la richesse nationale. Jamais vierge ne serait née, s’il n’y avait pas eu d’abord une virginité perdue. Le métal dont vous êtes faite est celui dont on fait les vierges. La virginité, en se perdant, peut se retrouver jusqu’à dix fois ; la conserver, c’est la perdre pour toujours. C’est une compagne trop froide : défaites-vous-en.

HÉLÈNE.

Je veux attendre encore un peu, dussé-je m’exposer à mourir vierge.