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SCÈNE I.
tout au plus à la lumière oblique de ses brillants rayons, — ce n’est pas à sa sphère que je puis aspirer !… — L’ambition de mon amour en est le supplice : — La biche qui voudrait s’unir à un lion — est condamnée à mourir d’amour. C’était si charmant, quoique si douloureux, — de le voir à toute heure et d’être assise à peindre — ses sourcils arqués, son œil d’aigle, ses cheveux bouclés — sur le tableau de mon cœur, de mon cœur trop avide, — de chaque ligne, de chaque trait de son adorable visage ! Mais maintenant il est parti, et ma passion idolâtre n’a plus qu’à sanctifier ses reliques… Qui vient ici ?
Entre Paroles.
HÉLÈNE.

— C’est un homme de sa suite ; je l’aime à cause de lui, — et pourtant je le connais pour un insigne menteur, — je le connais pour un sot presque complet, pour un couard achevé : — mais ces défauts invétérés lui vont si bien — qu’on leur fait bon accueil, tandis que la vertu est, jusque dans ses os d’acier, transie par le vent glacial ; c’est ainsi que souvent nous voyons — le mérite indigent servir la fastueuse bêtise.

PAROLES.

Dieu vous garde, belle reine !

HÉLÈNE.

Et vous aussi, monarque !

PAROLES.

Monarque ? non.

HÉLÈNE.

Reine ? pas davantage.

PAROLES.

Étiez-vous à méditer sur la virginité ?