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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE.

PETRUCHIO.

Allons ! emporte-la et remets-la à la disposition de ton maître.

GRUMIO, au tailleur.

Maraud ! ne t’en avise pas. — Mettre la robe de ma maîtresse à la disposition de ton maître !

PETRUCHIO, à Grumio.

— Eh bien, monsieur, quelle idée vous prend ?

GRUMIO.

— Oh ! monsieur, l’idée est beaucoup plus sérieuse que vous ne pensez : — mettre la robe de ma maîtresse à la disposition de son maître ! — Oh ! fi ! fi ! fi !

PETRUCHIO, bas à Hortensio.

— Hortensio, veille à ce que le tailleur soit payé…

Haut.

— Allons, emporte ça ; décampe, et plus un mot.

HORTENSIO, bas au tailleur.

— Tailleur, je te payerai ta robe demain. — Ne prends pas en mauvaise part ces paroles un peu brusques. — Va-t’en, te dis-je ; mes compliments à ton maître.

Le tailleur sort.
PETRUCHIO.

— Allons, venez, ma Catharina ; nous allons nous rendre chez votre père — dans ce simple et honnête accoutrement ; nos bourses seront superbes, si nos habits sont humbles. — C’est l’âme qui fait la richesse du corps ; et, de même que le soleil darde à travers les nuages les plus sombres, — de même l’honneur perce à travers le plus pauvre vêtement. — Quoi ! le geai est-il plus précieux que l’alouette — parce que ses plumes sont plus belles ? — Ou la vipère vaut-elle mieux que l’anguille — parce que les couleurs de sa peau charment le regard ? — Oh ! non, ma bonne Cateau, tu ne perds rien de ton prix — dans ce pauvre équipage et sous cette humble