Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
LA SAUVAGE APPRIVOISÉE.

— qui se débat, résiste et ne veut pas obéir. — Elle n’a rien mangé et ne mangera rien aujourd’hui ; — la nuit dernière, elle n’a pas dormi, elle ne dormira pas encore cette nuit ; — de même qu’au souper, je trouverai quelque défaut imaginaire — à la manière dont le lit est fait ; — et alors je jetterai l’oreiller par ici, le traversin par là, — la couverture d’un côté, les draps de l’autre… — C’est cela ! Et, au milieu de ce tohu-bohu, je prétendrai — que tout ce que j’en fais, c’est par prévenance et par sollicitude pour elle. — Conclusion : elle veillera toute la nuit, — et, s’il lui arrive de fermer l’œil, je pesterai, je braillerai — et je la tiendrai sans cesse éveillée par mes clameurs. — Voilà comme on accable une femme par tendresse ; — et ainsi je courberai son humeur violente et opiniâtre. — Que celui qui sait mieux s’y prendre pour apprivoiser une sauvage — dise son moyen ; c’est charité de le faire connaître (18).

Il sort.

SCÈNE VII.
[Padoue. Un parc attenant à la maison de Baptista.]
Entrent Tranio et Lucentio.
TRANIO.

— Est-il possible, ami Licio, que Bianca ait du goût — pour un autre que Lucentio ? — Je vous répète, monsieur, qu’elle me donne les meilleurs encouragements.

HORTENSIO.

— Monsieur, pour vous convaincre de ce que j’ai dit, — tenez-vous à l’écart et observez la manière dont il lui donne sa leçon.

Ils se mettent de côté.