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APPENDICE.

besoin, car il n’en faut que la moitié pour faire mourir en une heure le plus robuste homme du monde[1].

Rhoméo, après avoir serré son venin, s’en retourna à sa maison où il commanda à son serviteur qu’il eût à partir en diligence et s’en retourner à Vérone, et qu’il fît provision de chandelles, de fusil et d’instruments propres pour ouvrir le sépulcre de Juliette, et surtout qu’il ne faillît à l’attendre joignant le cimetière de Saint-François, et sur la vie qu’il ne dît à personne son désastre. À quoi Pierre obéit, en la forme que son maître lui avait commandée et fit si bonne diligence qu’il arriva de bonne heure à Vérone, donna ordre à tout ce qui lui était enchargé.

Rhoméo cependant sollicité de mortels pensements, se fit apporter encre et papier, et mit en peu de paroles tout le discours de ses amours par écrit, les noces de lui et de Juliette, le moyen observé en la consommation d’icelles, le secours de frère Laurens, l’achat de son poison, finalement sa mort, puis ayant mis fin à sa triste tragédie, il ferma les lettres et les cacheta de son cachet, puis mit la superscription à son père, et serrant ses lettres en sa bourse, il monta à cheval et fit si bonne diligence, qu’il arriva par les obscures ténèbres de la nuit en la cité de Vérone, avant que les portes fussent fermées, où il trouva son serviteur qui l’attendait, avec lanternes et instruments susdits, propres pour ouvrir le sépulcre, auquel il dit :

— Pierre, aide-moi à ouvrir ce sépulcre et, sitôt qu’il sera ouvert, je te commanderai sur peine de la vie, de n’approcher de moi, ni de mettre empêchement à chose

  1. Cette scène, que Shakespeare a si merveilleusement développée, est due toute entière à l’imagination de Pierre Boisteau. Le texte italien dit tout simplement : « Roméo prit avec lui un flacon rempli d’un poison très-violent, et sous le costume d’un marchand allemand, monta à cheval. »