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LES JALOUX.

rempli de sable, una calza piena di rena. La malheureuse crie à l’aide, et son mari accourt, non pour la secourir, mais pour lui reprocher son adultère prétendu. Sur ce, l’enseigne assène un dernier coup. Elle expire. Les deux affidés déposent la morte sur le lit, lui écrasent la tête et font écrouler sur elle le plafond de la chambre à coucher. Desdémona, qu’on croit victime d’un accident, est enterrée, au milieu de la douleur publique, sans que personne se doute encore du crime qui a été commis. Quelque temps après cette épouvantable action, le More est pris de repentir ; il regrette celle qu’il a tuée, toute coupable qu’il la croit encore, et finit par prendre en aversion l’homme qui a été son complice. Il destitue l’enseigne. Celui-ci s’en retourne à Venise, et, pour se venger, accuse publiquement le More d’avoir assassiné Desdémona. Le More est arrêté, transféré de Chypre à Venise et mis à la question. Mais la torture ne peut lui arracher aucun aveu : il nie obstinément les faits mis à sa charge, et réussit à échapper momentanément à la mort. Il en est quitte pour un bannissement perpétuel, et c’est dans l’exil que les parents de la Vénitienne parviennent à le tuer. Quant à l’enseigne, il aurait pu finir paisiblement ses jours, si, quelques années plus tard, il n’avait eu l’imprudence de porter contre un de ses amis une accusation capitale. L’ami fut mis à la question, et, comme il persistait à tout nier, l’enseigne y fut mis à son tour, pour que la vérité fût connue ; mais les tourmenteurs s’y prirent maladroitement et lui déchirèrent un peu trop les entrailles. Quand on rapporta l’enseigne chez lui, il était mort.

Il est facile de voir combien cette conclusion était en désaccord avec le drame rêvé par Shakespeare. Aux yeux du poëte, il était nécessaire qu’Iago fût châtié, mais non pas par accident, par une maladresse du bourreau et pour